Lorsque vient le temps de juger un mécanisme parlementaire, nous devons garder en tête une question cruciale : quelle est la place et la vigueur désirée pour le contrôle?

C’était d’ailleurs l’esprit du commentaire de Crick cité maintes fois au fil de cet essai et la comparaison déjà effectuée avec une vision stricte du compromis qui peut découler d’un point de vue à l’américaine. De plus, un autre facteur de divergences entre les types de contrôles parlementaires effectués se trouve au niveau de la conception de la partie qui l’effectue. La distinction entre un contrôle effectué par le pouvoir législatif et celui effectué par l’opposition est importante. Par exemple, dans le cas de l’Australie, on considère que la période des questions doit être répartie entre tous les députés plutôt que presque exclusivement à ceux de l’opposition.

Ces différences sont fort complexes et les équilibres qui sont atteints dans des parlements différents en font foi. Comment détermine-t-on si une mesure de contrôle parlementaire est efficace si on ne peut faire appel à des critères binaires comme « le Parlement peut-il refuser d’adopter les crédits? » ou « tous les députés peuvent-ils avoir voix au chapitre? » ?

La réponse à cette question se trouve, tout d’abord, dans une nécessaire caractérisation du contrôle parlementaire à l’aide, bien sûr, des critères de Crick, mais aussi du point de vue checks and balances, attribué plus tôt aux Américains, ainsi que de la lecture du contrôle en fonction de la personne qui l’effectue. Pour pouvoir mieux comprendre les comparaisons possibles quant à l’importance des mesures de contrôle que nous étudions, il serait donc intéressant d’y appliquer ce jeu de questions inspirées des discussions précédentes :

  • Est-elle vue comme forçant le compromis, à la checks and balances?
  • Y trouve-t-on un ou plusieurs des volets de Crick, influence, conseil, critique, examen ou publicité?
  • Est-elle menée par l’opposition ou le pouvoir législatif?

Pour montrer comment l’étude des crédits diffère des autres mesures de contrôle parlementaire, prenons l’exemple d’un projet de loi présenté par le gouvernement. Les mesures de contrôle qui y sont appliquées (adoption du principe, étude article par article en commission, adoption finale) peuvent être décrites comme ne forçant pas le compromis, vouées au conseil (amendements) et à la critique (filibuster) et menées principalement par l’opposition. En revanche, la période de questions et de réponses orales ne force pas non plus le compromis, est aussi menée principalement par l’opposition, mais diffère en ce qu’elle insiste sur la critique et la publicité.

Bien sûr, ce la ne s’applique qu’en situation de gouvernement majoritaire dans un parlement où la ligne de parti est respectée, ce qui est tout de même la norme à laquelle les politologues, les politiciens et les citoyens québécois sont habitués.

Par contraste, il ne fait pas de doute que les dimensions d’influence et de conseil ne sont que peu présentes lors de l’étude des crédits en commission (en contexte de gouvernement majoritaire), une autre mesure ne forçant pas le compromis. Toutefois, elle est menée par le pouvoir législatif au complet (bien que les réserves formulées plus haut quant à l’intensité du contrôle de la part des députés du parti ministériel doivent être réitérées) et s’intéresse plus à l’examen et à la critique, avec une possibilité non négligeable de publicité, exprimée, comme nous l’avons vu plus tôt, par une récupération des questions lors de la période de questions et de réponses orales ou dans une sortie médiatique.

* * *

Prochain chapitre : La forte teinte de la répartition du temps de parole