Une dernière remarque pertinente qui pourrait être faite sur le système tel qu’il est pratiqué est que l’aménagement réglementaire (en particulier la norme de temps) pourrait être appelé à connaître des modifications au cours des prochaines années. Pour en arriver à cette conclusion, repensons à l’analyse que faisait Louis Massicotte de la nécessité, au cours des années 1960, de libérer la commission plénière des longues heures nécessaires pour l’étude des crédits en en envoyant l’étude en comités parlementaires. Louis Massicotte proposait comme explication à la réforme que celle-ci avait été appelée par la croissance formidable de l’État québécois (et donc de ses dépenses) dans cette décennie. C’est une inquiétude qui avait déjà été formulée par Marguerite Massé-Tardif, qui soulignait l’importance d’une adaptation du fonctionnement parlementaire à la croissance des dépenses gouvernementales.

Prenons une statistique simple et volontairement simpliste pour illustrer cette préoccupation : le nombre de dollars de dépenses théoriquement étudiées pour chaque heure de l’étude des crédits budgétaires en commission. Cette donnée nous indique que la tâche de contrôle des dépenses a augmenté de presque 50 % en dollars constants en trente ans.

Cette augmentation nous force à constater que nos institutions parlementaires, même lorsqu’elles organisent les travaux avec une précision aussi intégrée au Règlement que la durée de deux cents heures attribuées à l’étude des crédits, ne suivent pas une logique stricte qui impliquerait une proportion constante entre les dollars dépensés et les heures d’étude.

Tableau 2 : Dépenses budgétaires du gouvernement du Québec à étudier par heure d’étude en commissions, 1983-2013 (dollars de 2012)
On peut considérer que les dépenses étudiées par heure d'étude en commission passent de 200 000 en 1983 à près de 300 000 en 2011.

Comme le mentionnait le document de réflexion sur l’avenir des commissions parlementaires présenté en 2000, les règles qui entourent l’Assemblée nationale restent flexibles et impliquent de vastes différences d’interprétation en fonction des parlementaires qui s’assoient sur ses banquettes. De plus, il nous faut garder en tête que la procédure parlementaire elle-même est naturellement sujette à réformes.

Il découle de ces trois conclusions que le système actuel, bien que cohérent avec son évolution, pourrait être modifié pour mieux prendre en compte, par dessein, le type de contrôle parlementaire qu’on y veut voir exercé. Une répartition différente du temps de parole et des ajouts procéduraux pour mieux examiner les dépenses dans le temps permettraient de maximiser les composantes d’examen et de critique dans le processus, alors que la composante de publicité est plus difficile à promouvoir, tenant des acteurs politiques et médiatiques plutôt que des institutions. Il faut, pour cela, garder en tête que toutes les procédures ne sont pas transcendantes, mais qu’elles ont, historiquement, répondu à des volontés différentes de fonctionnement, qu’elles aient été explicites ou non.