L’origine de l’étude des crédits en commission se révèle être d’une grande importance dans l’histoire parlementaire : cet exercice est directement lié aux principes de gouvernement responsable et d’initiative de la Couronne en matière budgétaire, deux fondations du parlementarisme tel que pratiqué au Québec dont l’importance teinte clairement les procédures actuelles. Il s’agit d’une mesure de contrôle parlementaire de l’exécutif moins publicisée dans les médias mais dont l’importance dans les travaux de l’Assemblée nous occupera au cours des prochaines pages.

Souvent, les députés déplorent que leur travail à l’Assemblée nationale soit restreint, dans la couverture médiatique, à la période de questions et de réponses orales. Il importe donc de rappeler que le rôle de contrôleur du parlementaire est aussi joué lors des débats (ordinaires ou extraordinaires) en Chambre et en commissions, mais aussi lors de la vérification des engagements financiers des ministères et organismes (par la Commission de l’administration publique) et la reddition de compte, toujours en commission.

L’étude des crédits budgétaires en commission détonne par les aménagements réglementaires qui l’entourent, fruits d’un processus qui n’a été codifié précisément qu’au cours des 50 dernières années. Le débat y fait l’objet d’une préparation de longue haleine par les députés (surtout ceux de l’opposition), est régi par une limite de 200 heures et peut concerner n’importe quel programme qui figure au budget d’un ministère ainsi que les dépenses des organismes relevant du gouvernement.

Cet essai vise à mettre en contexte l’étude des crédits en commission dans le processus budgétaire du Québec et dans le rôle de contrôleur du député. Il cherche aussi à montrer que l’étude des crédits en commission est un mécanisme de contrôle des députés qui, malgré son importance, est tout de même limité par la répartition des groupes parlementaires à l’Assemblée nationale et la nature des dépenses gouvernementales. Plus précisément, une comparaison du contrôle théorique et du contrôle effectif permettra d’étudier plus justement ce mécanisme et ses limites.

Afin, justement, de jauger le contrôle parlementaire effectué lors de l’étude des crédits en commission, cet essai fera référence à une nomenclature proposée par le politologue Bernard Crick, qui décrivait le contrôle parlementaire par ses aspects d’influence, de conseil, de critique, d’examen et de publicité. Même si ce n’est pas une théorie à part entière, elle peut tout de même se révéler une base pertinente pour la réflexion et sera présentée plus en détail dans la deuxième section. Juste avant, l’évolution et la composition des règles de procédure seront examinées avec en tête l’hypothèse que le processus de l’étude des crédits en commission n’est pas neutre quant au type de contrôle parlementaire effectué : les codes de fonctionnement de l’étude des crédits ont comme effet (anticipé ou non) de mettre de l’avant une des facettes du contrôle. La reconfiguration de ces facettes au fil de l’évolution des différentes mesures réglementaires encadrant l’étude des crédits sera donc abordée au fil de cet essai pour lui apporter une dimension historique qui sera utile pour notre évaluation.

La conclusion, séparée afin de s’intéresser tour à tour aux limites de l’étude des crédits mentionnées plus tôt, sera l’occasion d’envisager cette évolution comme inachevée au sein d’une institution dont le fonctionnement est tout sauf immuable.

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Prochain chapitre : Un mécanisme formellement codifié dans le processus budgétaire du Québec