La conception québécoise du contrôle parlementaire n’est pas nécessairement uniforme dans son interprétation. Par exemple, la période de questions et de réponses orales est plutôt axée sur les questions venant des députés de l’opposition (malgré une volonté affichée de la présidence de préserver le droit des députés du parti ministériel d’adresser, eux aussi, des questions aux ministres), alors que la procédure en vigueur pour l’étude des crédits en commissions (comme d’autres débats parlementaires) favorise plutôt une répartition du temps de parole égale entre le parti ministériel et les députés de l’opposition.

Cette répartition influence fortement le travail des commissions : même si l’on considère théoriquement que le contrôle s’effectue par tous les membres du pouvoir législatif, la rigidité actuelle de la discipline de parti semble justement limiter la portée possible de l’étude des crédits. Celle-ci ne semble pas encore influencée par le principe qui favorise un contrôle parlementaire de l’opposition sur l’exécutif. Cette divergence entre les mesures de contrôle paraît souligner une transition historique incomplète entre un Parlement en opposition avec l’exécutif autrefois contrôlé par la Couronne (dont témoignent certains vestiges comme la vigoureuse escorte réservée au président nouvellement élu) et un Parlement où la confrontation se fait strictement entre le parti ministériel et l’opposition. Si l’on adopte ce point de vue, il semble que la période de questions et de réponses orales, une mesure relativement récente sur les 220 ans d’histoire parlementaire québécoise, semble née d’un Parlement qui prenait acte de ce changement, alors que l’étude des crédits en commission n’y semble pas sensible.

Bien que ce critère n’a pas d’importance particulièrement intrinsèque aux procédures, serait-il plus cohérent d’ajuster les mécanismes de contrôle aux mêmes principes et à la même vision ? Il me semble qu’à la lumière des modifications apportées au fil du temps dont nous avons discuté plus haut, il ne serait pas impensable d’envisager une réforme de l’étude des crédits en commissions. Par exemple, la nécessité a poussé les parlementaires, en situation de gouvernement minoritaire en 2007, à « ajuster le critère de proportionnalité stricte afin de permettre à l’opposition de bénéficier d’un temps plus important que ce qui résulterait de l’application pure et simple des pourcentages de sièges que chaque groupe parlementaire détient au sein de l’Assemblée », répartissant donc le temps de parole entre le gouvernement et l’opposition selon une proportion de 35 % - 65 %.

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Prochain chapitre : Le caractère annuel de l’étude