« Cet exercice de reddition de comptes, c’est-à-dire à essayer de voir à la fois comment a-t-on dépensé l’argent qui était alloué l’an dernier, mais surtout quels sont les choix que nous faisons pour la suite des choses. »
- La députée de Taillon Marie Malavoy, le 12 avril 2011.

L’étude du contrôle parlementaire nous amène aussi à faire un avertissement sur celui-ci avant de poursuivre : l’analyse qui paraît dans les pages suivantes s’intéresse explicitement et volontairement au contrôle parlementaire qui est exercé par les députés de l’opposition sur le gouvernement, sans s’attarder au rôle qui est réservé aux députés du groupe parlementaire formant le gouvernement. Bien que la tradition parlementaire et le Règlement prennent pour acquise une certaine indépendance des députés, quels qu’ils soient, par rapport à la domination de l’exécutif, il semble accepté que la discipline de parti et la dynamique partisane limitent, en quelque sorte, la possibilité pour un parlementaire assis à la droite du président de tenir un rôle comparable à ceux qui lui font face en Chambre.

La perception populaire semble aller en ce sens, même si on peut y faire contraster le Président Jacques Chagnon : «D'abord, tous les députés peuvent poser des questions au gouvernement, incluant des députés ministériels. Les questions sont principalement dévolues aux députés de l'opposition.»

Le contrôle parlementaire dont il sera question par la suite doit donc être perçu à travers cette mise en garde, que nous aurons l’occasion d’élaborer dans les conclusions.

Une fois ces précautions prises, nous pouvons poursuivre avec ce concept multiforme qu’est le contrôle parlementaire. Il convient donc tout d’abord de le définir et, pour ce faire, nous ferons appel au politologue Bernard Crick. Celui-ci a utilisé, dans son inestimable ouvrage The Reform of Parliament, la métaphore un peu technique mais quand même fort joliment imagée de l’appareil de radio :

« So Parliamentary control is not the stop switch, it is the tuning, the tone and the amplifier of communication which tells government what the electorate want (rightly or wrongly) and what they will stand for (rightly of wrongly); and tells the electorate what is possible within the resources available (however much opinions will vary on what is possible) and – on occasion – what is expected of them. »

Crick propose une définition du contrôle parlementaire bien différente de celle, parfois utilisée comme un idéal à atteindre, d’une opposition forte faisant reculer le gouvernement. Plus encore, il suggère cinq volets autour desquels s’articule le contrôle parlementaire : « … influence, not direct power; advice, not command; criticism, not obstruction; scrutiny, not initiation; and publicity, not secrecy. »

Cette vision du contrôle parlementaire est compatible avec le cas du Québec, où les députés peuvent rejeter, diminuer ou approuver un crédit, mais ne peuvent l’augmenter. Comme le souligne l’ouvrage La procédure parlementaire du Québec, même s’il est déjà arrivé (à deux reprises) que les crédits de certains programmes soient rejetés, des mesures réglementaires sont en place afin de permettre que l’ensemble des crédits budgétaires soit adopté, annulant ainsi de facto la décision d’une commission.

Plus précisément, les composantes du contrôle parlementaires exprimées par M. Crick ne sont pas une théorie complète (ils ne sont qu’abordés rapidement et il n’y consacre pas plus d’espace dans l’ouvrage où il les cite), mais peuvent tout de même se révéler une base pertinente pour la réflexion. On ne peut, bien sûr, sortir Crick d’un contexte plutôt conservateur où le Parlement est une institution s’inscrivant dans la tradition, mais force est d’admettre qu’il propose là cinq façons dont dispose l’opposition pour déclarer et rendre effectif son désaccord. Nous les reprendrons donc, en français, en parlant :

  • d’influence, par exemple dans le cas d’un amendement, par opposition à la décision elle-même;
  • de conseil plutôt que d’exigence, bien que ce dernier terme soit utilisé;
  • de critique, plutôt que de blocage des procédures (le filibuster étant à la limite des deux);
  • d’examen des décisions plutôt que l’initiative du pouvoir;
  • de publicité, au sens classique tant de divulgation publique que de communication médiatique autour d’une question.

Une première constatation serait que la volonté d’étudier les subsides au Parlement tient d’une volonté d’influence et d’examen par un contre-pouvoir électif au pouvoir exécutif monarchique. De même, la formation de la Chambre en comité plénier des subsides a été influencée par une volonté de critique, prenant l’étude des crédits comme une occasion de soumettre un passage obligé pour la Couronne à un lieu d’expression des doléances des députés. On peut observer qu’au fil du temps, les dimensions du contrôle parlementaire ont évolué avec les réformes et les usages : chaque nouvelle façon de procéder a modifié le volet privilégié.

* * *

Prochain chapitre : Quelle évolution du contrôle parlementaire à l’Assemblée nationale?