« D’abord, saluer le ministre de la Santé et tous ceux qui l’accompagnent - je vous mets au défi de tous me donner leurs noms, M. le ministre. »
- Le député de La Peltrie Éric Caire, le 18 avril 2012.

Plus que les ressources de l’institution et plus que du temps, l’étude des crédits en commission mobilise aussi une grande quantité de ressources humaines et matérielles. Comme en fait foi la boutade du député de La Peltrie, citée en exergue, les équipes tant des ministères que des cabinets ministériels sont fortement mobilisées de façon très visible : elles occupent littéralement les banquettes derrière leur ministre afin d’assurer que n’importe quelle question pourra trouver une réponse satisfaisante. Selon les règlements, elles peuvent même avoir le droit de parole si le ministre interrogé leur renvoie une question. Bien que la procédure prévoit que les questions soient adressées au ministre, il peut arriver que le débat donne lieu à des questions directement posées aux fonctionnaires.

Cette façon de faire est, en fait, une réponse à la préparation et au type de contrôle parlementaire qui est effectué : non seulement les députés de l’opposition et leurs équipes sont fortement mobilisés, ils obligent aussi les fonctionnaires des ministères à préparer l’étude des crédits. En effet, une des étapes de la préparation annuelle à ce système est l’envoi aux ministères, par les députés de l’opposition, d’une série de questions tant générales (envoyées à tous les ministères et organismes) que particulières. Cette tradition n’est pas unique au Québec, puisque l’étude de Pelletier et de Domingue montre que, « dans la grande majorité des Parlements étudiés, un processus semblable à celui suivi à l’Assemblée nationale du Québec ». Cette même recherche avance même l’estimation de 15 000 pages fournies par le gouvernement à l’opposition en préparation de l’étude des crédits.

L’ampleur de cette documentation peut surprendre, d’autant plus que sa préparation n’est encadrée que par la tradition d’ententes entre les leaders et non par le Règlement. Le cas récent des députés de l’Action démocratique du Québec, dont le groupe parlementaire a été effectivement dissout en 2012, nous donne aussi l’occasion de confirmer que cette entente entre leaders ne prévoit pas, pour les députés indépendants, la possibilité de participer à ce processus. Ils ont toutefois accès aux cahiers compilés.

Ces documents de renseignements généraux et particuliers varient grandement dans la précision des informations données. Par exemple, alors qu’un ministère peut interpréter une question de façon très stricte et lui donner comme réponse une liste très détaillée, un autre ministère peut ne lui donner qu’une réponse laconique.

Comme le précise le président de commission Claude Lachance dans une décision, du « fait qu’elle découle d’une entente entre les leaders, la transmission des documents préparatoires à l’étude des crédits s’effectue en dehors du cadre des délibérations des commissions parlementaires et ne fait pas partie de la procédure et des usages parlementaires, tels que reconnus par la jurisprudence. » Tout différend entre les parlementaires au sujet de la préparation, de la transmission ou de l’information contenue dans ces documents ne relève donc pas du pouvoir de la Présidence et ne peuvent être l’objet d’un appel au Règlement. Le seul recours possible pour un parlementaire se sentant lésé par la documentation fournie par un ministère serait donc un appel à la transparence dans le cadre des débats parlementaires ou médiatiques.

Il demeure que, dans cet exercice de contrôle, la collaboration est généralement au rendez-vous entre le gouvernement et l’opposition. La compilation de ces cahiers et leur dépouillement par les équipes des députés impliquent donc que l’importance du processus demande intrinsèquement d’y accorder beaucoup de ressources, d’autant plus qu’ils ne sont distribués aux députés que quelques jours avant le début des travaux des commissions.

Ces cahiers sont par la suite fort utiles dans le travail des députés de l’Opposition, qui peuvent s’en servir comme documents de référence. Il y a aussi là une piste intéressante pour les tenants de l’Open government : toute la masse d’informations contenue dans les Renseignements généraux et particuliers est rendue publique sur le site Web de l’Assemblée nationale du Québec (car ces documents sont officiellement déposés), mais seulement en format PDF non cherchable, très peu pratique pour recouper les données.

Les travaux préparatoires à l’étude des crédits constituent donc, même avant que les commissions ne siègent, une importante mine d’information permettant un contrôle parlementaire sérieux. Cependant, celui-ci dépasse la cueillette d’information sur les programmes gouvernementaux et leur administration.

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Prochain chapitre : Un reflet du contrôle parlementaire